Investir dans la transition énergétique - Lettre Jacques Cœur juin 2023
Synthèse de la lettre par Michel Foucher : retrouvez l'intégralité de la lettre ici
La construction européenne procède dès sa naissance de l’énergie, avec la CECA de 1952 puis le traité Euratom de 1958 après la crise de Suez, car l’énergie nucléaire était vue alors comme un moyen de s’affranchir de la dépendance au pétrole, rappelle Dominique Ristori. Il analyse les moyens pour l’Union Européenne (UE), qui importe encore la moitié de son énergie, d’atteindre l’autonomie stratégique : diversifier les approvisionnements, décarboner l’économie, taxonomie contribuant à orienter les investissements vers les énergies propres (avec l’objectif communautaire de 42,5% en 2030) et un cadre réglementaire le plus avancé du monde. La proposition de réforme du marché européen de l’électricité présentée le 14 mars 2023 - qui va occuper la place centrale dans les années et décennies à venir (50% de tous les besoins en 2050) – vise à réduire la volatilité des prix et à encourager les investissements dans les énergies décarbonées. C’est une priorité de la Présidence espagnole du Conseil de l’UE avec l’objectif d’un accord d’ici la fin de l’année 2023.
Les énergies renouvelables (EnR) représentent 22% du mix énergétique européen (près de 40% de son mix électrique) indique Gilles Lepesant qui analyse les opportunités et risques pour l’industrie européenne du Pacte Vert européen et de l’Inflation Reduction Act américain (IRA). En moins d’une décennie, cette part devrait doubler (l’UE vise 42,5 % d’EnR dans le mix énergétique d’ici à 2030). Or, un écart important apparaît entre les ambitions affichées et les capacités manufacturières en place en Europe. Le tissu industriel européen a en effet tiré un profit limité de la transition énergétique. En 2007, une cellule photovoltaïque sur quatre provenait d’Allemagne. En 2023, la part de marché des industriels européens du photovoltaïque dans le monde est inférieure à 3%. Seuls les secteurs de l’éolien et de la pompe à chaleur ont vu émerger des acteurs industriels européens de taille mondiale. La suprématie acquise par la Chine sur la plupart des technologies nécessaires à la transition a contribué à un renouveau de la notion de politique industrielle. Celui-ci s’est traduit par l’adoption aux États-Unis de l’IRA en 2022 suivi dans l’UE par le Green Deal Industrial Plan (GDIP), soit le plan industriel pour le Pacte vert, proposé par la Commission européenne et qui devrait être adopté en 2024 après concertation avec les États-membres et le Parlement européen.
Sont présentées ensuite par Filippo Cimitan des exemples de politiques nationales face aux enjeux de la transition énergétique : Espagne, France, Allemagne et Finlande. Après la bulle spéculative des EnR, l’Espagne a réintroduit des tarifs d'achat pour l'électricité produite à partir de sources renouvelables, ce qui garantit un revenu fixe aux producteurs sur une période déterminée, afin de s’appuyer sur son fort potentiel solaire et sur ces grands espaces vides, et favoriser ainsi les filières déjà compétitives de grands projets solaires et éoliens terrestres. La grande profondeur des fonds océaniques favorise l’éolien flottant. Situation inversée en France dont le maillage territorial de la France est moins propice à des grands projets éoliens ou solaires terrestres alors que le potentiel de développement de l’éolien en mer, posé et flottant, est très important en raison de ses côtes étendues sur la Manche, l'Atlantique et la Méditerranée, le plus important d’Europe continentale (hors Royaume Uni). Leader mondial de la transition énergétique, l’Allemagne a adopté une approche axée sur le marché, favorisant la concurrence et l'innovation. Le système de tarifs d'achat garantis a joué un rôle essentiel dans le développement massif des énergies renouvelables en Allemagne depuis plus de 20 ans. Le pays a également été innovateur dans le co-investissement citoyen et de participation public-privé dans les projets. Enfin, c’est un des leaders dans le secteur de l'éolien offshore. Le gouvernement finlandais vise à être la première société sociale sans énergie fossile au monde d'ici la fin des années 2030 et à atteindre la neutralité carbone d'ici 2035. Le pays a adopté une stratégie nationale de transition énergétique axée sur plusieurs axes clés, tels que l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables et l'utilisation de nouvelles technologies.
Gilles Gressani présente à son tour la situation européenne dans le nouvel ordre énergétique mondial reconfiguré par la « guerre écologique », à savoir l’utilisation de l’énergie comme arme de guerre par Moscou. L’Union européenne a mis fin d’une manière accélérée à sa dépendance des hydrocarbures russes et, désormais, selon la revue GREEN : “l’orientation vers la soutenabilité s'appuie sur la nécessité de lutter contre un rival stratégique”. À l’échelle planétaire, les flux changent dans un ordre mondial chahuté, l’Europe apparaissant de plus en plus périphérique, sinon marginale, à la fois du point de vue des ressources fossiles, de la place dans les chaînes de valeur et des technologies clés de la transition énergétique.
Lettre Jacques Cœur complète : ici.