Compagnie Financière
JACQUES CŒUR
Linking Investors & Fund Managers
Jacques Cœur

Les premiers pas de l'Europe politique et sa position à la suite de l'élection américaine - Lettre Jacques Cœur décembre 2024

LinkedIn

Retrouvez l'intégralité de la Lettre Jacques Cœur : ici

Les premiers pas de l’Europe politique

Bernard Guetta, député du groupe Renew (Renaissance) au Parlement européen depuis le 2 juillet 2019, a été correspondant du quotidien Le Monde à Varsovie, Moscou et Washington, puis a dirigé L’Expansion et Le Nouvel Observateur avant d’assurer une chronique de politique internationale sur France Inter. Il est également écrivain.

Ces longues expériences de terrain suivies de sa découverte du parlementarisme l’ont convaincu de la nécessité d’un ancrage européen. Il dresse un état des lieux des avancées réalisées depuis cinq ans. Il note que l’Union européenne n’est plus la même qu’il y a cinq ans, car trois tabous sont tombés.

Face aux conséquences économiques de la pandémie, un accord entre Angela Merkel et Emmanuel Macron a conduit le Conseil européen à recourir à un emprunt commun d’un montant de 750 milliards d’euros.

Contraints d’accepter que le parapluie de sécurité américain n’est plus permanent, les pays d’Europe centrale ne s’opposent plus à l’objectif d’une défense européenne depuis le premier mandat du président Donald Trump. Le concept français d’autonomie stratégique est désormais endossé, même par Viktor Orban, dont le pouvoir est à relativiser.

Enfin, depuis l’agression russe contre l’Ukraine, les Européens ont décidé « d’entrer en guerre avec la Russie » en vidant leurs arsenaux. Un poste de commissaire européen à la défense et à l’espace a été créé, confié à Andrius Kubilius, ingénieur et ancien premier ministre de Lituanie. Lors de son audition au Parlement européen, il s’est engagé à présenter un livre blanc sur l’avenir de la défense européenne au cours des cent premiers jours de son mandat afin d’identifier les besoins d’investissements pour fournir un spectre complet de capacité de défense européenne : « dépenser plus, dépenser mieux, dépenser ensemble et dépenser européen ».

Le Service européen d’action extérieur est lui placé sous la direction de Kaja Kallas, ancienne première ministre d’Estonie. L’opinion publique européenne soutient très largement une défense commune. En cas d’accord de cessez-le-feu entre la Russie et l’Ukraine en 2025, sous la pression de Trump, il reviendra à des forces européennes de s’interposer sur la ligne de démarcation, afin de fournir les garanties de sécurité dont l’Ukraine a absolument besoin pour dissuader le Kremlin d’une nouvelle agression visant à la capitulation de Kyiv.

Ces avancées réelles pourraient être remises en cause, sous l’effet des forces politiques d’extrême droite financées par le Kremlin (qui comptent pour 30% des députés européens et qu’une coalition des démocrates peut contrer), par le manque d’argent conduisant à de nouveaux emprunts (500 milliards d’euros requis pour l’ambition de défense), par le contexte de tension militaire sur le flanc Est et les chaos du flanc Sud, enfin par le risque de lâchage du grand allié américain qui déteste l’Union européenne, qualifiée de « mini-Chine en pire » et qu’il ne comprend pas dans sa nature de coopération entre États, lesquels pourraient être tentés de se ruer à Washington, en ordre dispersé.

Une réponse réside dans une Union de projets, portée par quelques États membres, qui pourraient garantir un emprunt commun afin d’investir plus dans l’effort de défense. Le format d’une Union à plusieurs vitesses s’installe. Il se fonde sur le « Triangle de Weimar » (France, Allemagne, Pologne), complété de l’Italie et de l’Espagne. La Présidence polonaise du Conseil de l’Union au premier semestre 2025 a choisi comme priorité la sécurité. Cet engagement contribuera à atténuer l’affaiblissement synchrone de l’Allemagne (élections le 23 février 2025) et de la France. Et Bernard Guetta a eu l’occasion de souligner par ailleurs que cette situation inédite à Paris et à Berlin laissait un champ plus libre à la Présidente de la Commission pour son deuxième mandat.

Le Royaume-Uni de Keir Starmer est décidé à se joindre à cette défense commune, sur la base d’un traité bilatéral avec l’UE. Le Premier ministre britannique est bien conscient, comme l’opinion publique, que le Brexit a été une mauvaise affaire et le lien anglo-américain n’est pas pérenne. D’où le choix britannique de participer au « noyau dur » en formation, seul moyen de « faire » et non plus de « dire ». La dynamique de l’unité se profile, qui devra être assortie d’une exigence d’égalité. Et afin de prévenir les risques d’affaiblissement d’une Union de projets, Bernard Guetta soutient la thèse d’un élargissement à degrés différents.

La nécessité de limiter les réglementations excessives semble enfin prise en compte par la Commission qui s’est engagée à examiner l’acquis communautaire dans le but d’alléger les exigences en matière d’information des entreprises.

Les règles relatives à la soutenabilité (CSRD, pour Corporate Sustainibility Reporting Directive, adoptée en décembre 2022 pour une mise en vigueur progressive à partir de 2024) et de durabilité, dite CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive, approuvée par le Parlement européen en avril 2024 et le Conseil européen en mai 2024), sont parfois jugées trop contraignantes et risquent d’induire un transfert des projets d’investissements vers les États-Unis, au moment même où le prochain mandat de Trump élargira le champ de la dérégulation (environnementale en premier lieu).

Retrouvez l'intégralité de la Lettre Jacques Cœur : ici